La recherche et l'endométriose
Dossier réalisé par l’association ELHE, validé par nos collaborateurs scientifiques
La recherche concernant l’endométriose se divise en deux parties :
1/ la recherche clinique qui cible l’amélioration des connaissances et des pratiques : Elle se base sur des études prospectives de séries de patients.
Par exemple, elle aura pour but d’analyser les résultats d’une stratégie thérapeutique ou encore de rechercher des facteurs de risques de complications opératoires.
Elle peut également comparer deux stratégies thérapeutiques ou techniques chirurgicales différentes afin de déterminer si un traitement ou une technique opératoire est supérieur à un(e) autre.
2/ la recherche expérimentale en laboratoire (dite translationnelle = concept qui traduit les efforts à produire des applications concrètes à partir de connaissances fondamentales) cible la compréhension et l’identification des mécanismes cellulaires ou génétiques de l’endométriose, permettant de développer des alternatives thérapeutiques médicales ou médicamenteuses au traitement chirurgical.
La recherche concernant l’endométriose se divise en deux parties :
1/ la recherche clinique qui cible l’amélioration des connaissances et des pratiques : Elle se base sur des études prospectives de séries de patients.
Par exemple, elle aura pour but d’analyser les résultats d’une stratégie thérapeutique ou encore de rechercher des facteurs de risques de complications opératoires.
Elle peut également comparer deux stratégies thérapeutiques ou techniques chirurgicales différentes afin de déterminer si un traitement ou une technique opératoire est supérieur à un(e) autre.
2/ la recherche expérimentale en laboratoire (dite translationnelle = concept qui traduit les efforts à produire des applications concrètes à partir de connaissances fondamentales) cible la compréhension et l’identification des mécanismes cellulaires ou génétiques de l’endométriose, permettant de développer des alternatives thérapeutiques médicales ou médicamenteuses au traitement chirurgical.
Plus concrètement :
Les scientifiques commencent à peine à comprendre les mécanismes qui régissent l’endométriose. L’endométriose est une maladie gynécologique hormono-dépendante et inflammatoire. Quelle que soit l’approche thérapeutique, le taux de récidive reste très élevé (20 à 50%), d’où l’absolue nécessité de trouver des traitements plus efficaces.
La recherche se fait sur deux fronts :
- la diminution du temps de diagnostic grâce à un test sanguin ou une biopsie de l’endomètre
- un traitement plus adapté et plus efficace
Les bases de cette recherche
Un reflux menstruel physiologique s’observe chez 80 à 90% des femmes. Hors, l’endométriose ne se développe que chez 5 à 15% d’entre elles. Si la régurgitation des cellules endométriales au travers des trompes dans la cavité péritonéale est le point de départ de la maladie, son développement implique d’autres mécanismes. Des modifications de l’endomètre doivent permettre aux cellules endométriales de s’implanter et de proliférer dans la cavité péritonéale. Elle-même doit constituer un environnement favorable au développement des lésions.
Les phénomènes visant à promouvoir le développement de l’endométriose sont dépendants de facteurs génétiques, épigénétiques, environnementaux, immunologiques et inflammatoires.
Il a été montré que l’endomètre des femmes endométriosiques diffère de l’endomètre des femmes non endométriosiques, ces anomalies moléculaires favorisent la survie de l’endomètre ectopique. [N Engl J Med 2009;360:268-79 / Fertil Steril 2008;90:1487-95]
En quoi cet endomètre est différent ?
L’adhérence des cellules endométriosiques est favorisée par une surexpression d’enzymes et de facteurs d’adhésion qui créent des zones d’adhérence favorables à l’implantation des cellules endométriosiques à la surface d’organes ou du péritoine. [Fertil Steril 1997;68:246-51 / Hum Reprod Update 1998;4:730-5]
In vitro, cet endomètre sécrète de façon anormalement élevée de nombreux facteurs de croissance (VEGF,...) et des cytokines (IL-1, ...) participant à la survie des ilôts endométriotiques en leur assurant une vascularisation spécifique [Hum Reprod Update 2007;13:331-42]
Cet endomètre prolifère grâce à une répression de gènes pro-apoptotiques et une surexpression de gènes anti-apoptotiques [Semin Reprod Med 2003;21:165-72] mais également par le biais du stress oxydatif [Am J Pathol 2009;175:225-34].
L’inflammation chronique est une des principales caractéristiques de ce tissu endométriosique. Elle est associée à une surproduction de prostaglandines, d’enzymes et de cytokines [Endocrinology 2006;147:232-46]. La production de cytokines pro-inflammatoires favorise l’adhésion et la libération d’enzymes en permettent l’implantation.
Des changements dans l'immunité cellulaire en relation avec l'endométriose ont été observés pour ce qui est des cellules NK {natural killer) et d’autres lymphocytes. En effet, une diminution de l'activité cytotoxique de ces cellules contre l'endomètre a été notée dans le fluide péritonéal et dans le sang périphérique [Fertil Steril 1994; 62: 1086-1088]. Plusieurs mécanismes semblent être impliqués dans la suppression de l'activité des cellules NK chez les femmes souffrant d'endométriose. Une corrélation a été rapportée entre la baisse de l'activité des NK et l'augmentation des concentrations d'oestradiol [Obstet Gynecol 1993; 81: 665-668].
Dans certains tissus endométriosiques, on a observé une sous-expression de l’un des récepteurs à la progestérone. Dans l’endomètre normal, la progestérone induit la transformation d’oestradiol en oestrone. Dans l’endomètre des patientes endométriosiques, la résistance des cellules endométriosiques à la progestérone aboutit à l’accumulation d’oestrogènes favorisant la persistance, la croissance et la prolifération des lésions [J Clin Endocrinol Metab 1998;83:4474-80].
L'augmentation dans la libération de cytokines et de facteurs de croissance [Fertil Steril 2001;75: 1-10] combinée avec une déficience dans le rôle phagocytique des macrophages suscitent la croissance de l'endomètre ectopique. Des boucles d’autorégulation positive permettraient la persistance et l’accumulation des cellules immunitaires.
La première percée majeure dans la recherche sur l'endométriose date de 1997 France
Des chercheurs de l’institut Curie à Paris et de l’hôpital Necker de Clermont Ferrand, sélectionnent en laboratoire la première lignée de cellules issues de l'endométriose. [Human Reproduction Update 1997, Vol. 3, No. 2 pp. 117–123] L’immortalisation de cellules endométriosiques à régler un sérieux problème qui entravait le progrès des recherches dans ce domaine. Il fallait trouver un moyen de cultiver ces cellules en laboratoire afin de pouvoir étudier les mécanismes impliqués dans la maladie et de pouvoir faire l'essai de produits pouvant bloquer leur multiplication.
Facteurs de prédisposition génétique :
L’endométriose est considérée comme une maladie complexe dont les principaux facteurs de risques, mais pas les seuls, semblent être d’ordre génétique et environnemental. Certains chercheurs émettent l’hypothèse d’une maladie sous la dépendance de plusieurs gènes répondant à une hérédité multifactorielle.
Deux grandes études ont permis l’analyse génétique systématique de cohortes de femmes atteintes d’endométriose ou non. La première est une étude japonaise, la seconde est une étude internationale. Dans les deux cas, les auteurs sont parvenus à identifier des variations génétiques significativement associées à la maladie.
Cependant, ces variations n’augmentent que faiblement le risque relatif de développer la maladie. Ces données génétiques peuvent donc servir de points de départ pour appréhender des mécanismes biologiques liés à l’endométriose, mais elles ne peuvent absolument pas être utilisées comme marqueurs de risque dans la pratique clinique [Curr Opin Obstet Gynecol 2007;19:395-401]
Facteurs environnementaux :
Plusieurs études pointent en outre du doigt l’existence de facteurs de risque environnementaux. Les chercheurs s’interrogent par exemple sur le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens ou celui le l’influence des acides gras polyinsaturés et d’autres composants alimentaires pouvant entraîner des anomalies épigénétiques.
Certains perturbateurs endocriniens, comme le Bisphénol-A (BPA) et les phtalates qui miment les effets des hormones naturelles en interférant avec les voies effectrices de ces hormones, ont été associés au développement de l’endométriose.
De même la dioxine [Toxicol Sci 2002;70:161-70.], regroupant une famille de polluants rejetés par l’activité industrielle a été incriminée.
L’influence de l’alimentation dans la survenue de maladies oestrogéno-dépendantes dont l’endométriose fait partie, a été particulièrement étudiée ces vingt dernières années. La consommation de végétaux et de fruits frais a été associée à une réduction significative du risque de développer une endométriose alors que la consommation de charcuterie et de viandes rouges semble au contraire être un facteur de risque [Hum Reprod 2004;19:1755-9]. Le mécanisme évoqué serait qu’un régime riche en graisses pourrait augmenter le taux d’oestrogènes circulants et ainsi favoriser les maladies oestrogéno-dépendantes [Prev Med 1987;16:525-31]
Facteurs épigénétiques :
Auparavant, les scientifiques suspectaient que l’endométriose se développait chez celles dont les macrophages n’arrivaient pas à dégrader le sang qui avait reflué. Maintenant, ils avancent une autre théorie selon laquelle l’endomètre de ces femmes est différent, et que, au lieu de se nécroser et d’involuer, les cellules régurgitées vont se répandre, proliférer, adhérer ailleurs et donc se transformer en îlots d’endométriose. Ces facteurs épigénétiques sont actuellement très étudiés.
L'épigénétique est l'ensemble des mécanismes moléculaires ayant lieu au niveau du génome et de la régulation de l'expression des gènes qui peuvent être influencés par l'environnement et l'histoire individuelle ainsi qu'être potentiellement transmissibles d'une génération à l'autre, sans altération des séquences nucléotidiques (ADN), et avec un caractère réversible.
« On peut sans doute comparer la distinction entre la génétique et l’épigénétique à la différence entre l’écriture d’un livre et sa lecture. Une fois que le livre est écrit, le texte (les gènes ou l’information stockée sous forme d’ADN) sera le même dans tous les exemplaires distribués au public. Cependant, chaque lecteur d’un livre donné aura une interprétation légèrement différente de l’histoire, qui suscitera en lui des émotions et des projections personnelles au fil des chapitres. D’une manière très comparable, l’épigénétique permettrait plusieurs lectures d’une matrice fixe (le livre ou le code génétique), donnant lieu à diverses interprétations, selon les conditions dans lesquelles on interroge cette matrice. » Thomas Jenuwein (Research institute of molecular pathology, Vienne, Autriche)
Le facteur immunitaire
Récemment, les travaux du laboratoire d’immunologie de l’hôpital Cochin dirigée par Frédéric Batteux, en collaboration avec Charles Chapron, se sont focalisés sur l'interaction CXCR4-CXCL12. Ils montrent par ailleurs une production accrue de la chimiokine CXCL12 dans le liquide péritonéal des femmes endométriosiques. Ceci pourrait être expliqué par l’inflammation locale connue de la cavité péritonéale des femmes endométriosique.
En effet, une surexpression de CXCL12 est couramment observée lors des phénomènes inflammatoires, est exprimé dans l’endomètre de femmes saines et surexprimé dans les lésions endométriosiques. Enfin, ils ont montré pour la première fois l’attraction spécifique des cellules d’endomètre eutopique surexprimant le CXCR4 par le CXCL12 présent en quantité accrue dans le liquide péritonéal chez les femmes porteuses d’une endométriose profonde.
Ce mécanisme accrédite la théorie physiopathologique du reflux menstruel décrite par Sampson. En outre, ces données permettent d’envisager la voie CXCL12-CXCR4 comme nouvelle perspective pour le traitement de l’endométriose profonde notamment par un inhibiteur de CXCR4. [Journal of Reproductive Immunology, 2014 ; 103 :45–52]
L’ensemble de ces travaux permettent d’avancer dans la connaissance physiopathologique de la maladie et ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de l’endométriose.
Le Facteur stress oxydant ou oxydatif :
L’endométriose semble également associée au stress oxydatif. Ce dernier apparaît donc comme une nouvelle cible thérapeutique pour freiner la progression de la maladie.
Les chercheurs s’emploient à découvrir si en bloquant ce phénomène, il est possible d’inhiber la prolifération des cellules endométriales. Leurs travaux suggèrent que les femmes souffrant d'une forme profonde de cette pathologie présentent un stress oxydatif majeur au niveau du péritoine (membrane qui recouvre les organes de l'abdomen. Néanmoins, actuellement, il est impossible d’affirmer si l'endométriose est à l'origine de ce stress ou si c'est l'inverse.
L’influence de ce stress oxydatif est particulièrement étudier depuis une quinzaine d’année. La relation entre les marqueurs du stress oxydant et l’endométriose a été évoqué la première fois en 1999, [Fertility and Sterility, 1999 ; 70, 6 : 1115-1118] ainsi plusieurs études ont montré une augmentation du stress oxydant dans le sérum et le liquide péritonéal des femmes endométriosiques.
Les travaux du laboratoire d’immunologie de l’hôpital Cochin dirigée par Frédéric Batteux, en collaboration avec Charles Chapron, ont montré une augmentation du stress oxydant dans les cellules épithéliales issues d’endométriomes ovariens, secondaire à une augmentation de production des formes réactives de l’oxygène et à un défaut de détoxification [Am J Pathol 2009;175:225-34]. Ceci peut être en partie expliqué par l’état inflammatoire local chronique, connu pour augmenter le stress oxydant.
Récemment, la même équipe à réaliser une étude dont l’objectif d’identifier une molécule capable de freiner efficacement la multiplication et la diffusion des cellules utérines en dehors de la cavité de l’utérus. [Hum Reprod, 2015,30(1):49-60]. Cette étude ouvre la voie à d'autres études futures pour déterminer le rôle exact du stress oxydant dans la pathogenèse de l'endométriose. Même si une association n’établit pas une preuve de cause à effet, ces caractéristiques biochimiques intrinsèques de l'endométriose peuvent conduire à l'évaluation de l’approche thérapeutique ciblant oxydatif déséquilibre.
Infos : Qu’est-ce que le stress oxydant ?
Le stress oxydatif est phénomène lié au fait que notre organisme produit en permanence des espèces réactives oxygénées : les radicaux libres de l’oxygène (l’anion superoxyde O2•-, le radical hydroxyle OH•, le monoxyde d’azote NO• ainsi que des formes actives de l’oxygène non radicalaires comme le peroxyde d'hydrogène H2O2 et le nitroperoxyde ONOOH). Normalement, un système de détoxification permet d’équilibrer ces radicaux libres par rapport aux antioxydants. Mais il arrive que ce système soit déséquilibré, les radicaux libres vont alors s’accumuler et causer des dégâts : c’est le stress oxydant.
Le stress oxydant est un facteur d'inflammation, il est aussi considéré comme une des principales causes de cancer, dans la maladie d'Alzheimer, etc… Les antioxydants bien dosés pourraient théoriquement diminuer ces dégâts mais cela reste à démontrer.
En France :
Des chercheurs de l’Inserm (The American Journal of Pathology, Mai 2012, 180(5):1781-6) ont tenté une approche épigénétique ciblée, qui a montré des différences de méthylation (= modification chimique) de l’ADN entre les cellules qui composent les lésions et celles de l’endomètre de patientes, en particulier aux extrémités des chromosomes (Ce phénotype est associé à des formes particulières de l’enzyme DNMT3L = méthyl-transférases de l’ADN)
Une de ces formes multiplie par sept le risque de développer la maladie et pourrait donc servir d’outil de diagnostic et de pronostic, précieux sur les plans clinique et biologique.
Au Canada :
Le professeur Akoum (Laval) a trouvé un des facteurs responsables de la déficience du système immunitaire : « Nous savions déjà que l’interleukine-1, un facteur inflammatoire très connu, était en cause dans l’élimination des cellules de l’endomètre. Or, pour jouer son rôle, l’interleukine-1 a besoin de trouver un récepteur sur la paroi des cellules de l’endomètre. C’est un peu comme si l’interleukine était une clé et qu’elle avait besoin d’une serrure. »
Les cellules de l’endomètre sont équipées non pas de un, mais de deux récepteurs pour l’interleukine-1. Le premier, appelé, récepteur de type 1, sert à activer la cellule de l’endomètre. Le récepteur de type 2, quant à lui, sert à la désactiver : Les deux mécanismes, activation et désactivation, se contrebalancent. Or, l’équipe du professeur Akoum a fait une découverte considérable : chez les patientes atteintes d’endométriose, le récepteur de type 2 ne fonctionne pas adéquatement. L’interleukine-1 n’arrive pas à s’y fixer. Seul le processus d’activation fonctionne. « La cellule est activée en permanence. Elle libère des facteurs de croissance et des facteurs d’adhésion. Elle déjoue tous les mécanismes de l’apoptose. »
The American Journal of Pathology, Sept 2012, 181 (3):917-927.
Les travaux du professeur Akoum (Laval) démontrent qu’une protéine, le MIF, est impliquée dans l’endométriose. En situation normale, le MIF permet la multiplication cellulaire, la réparation des tissus et la production de nouveaux vaisseaux sanguins. Toutefois, chez les femmes qui souffrent d'endométriose, il y a un excès de MIF et c’est ce qui joue un rôle déterminant dans le déclenchement et l’aggravation de l'inflammation. Cet excès de MIF est retrouvé dans le sang, dans les lésions d’endométriose actives et hémorragiques, mais aussi dans l’endomètre des patientes. Le MIF serait également associé aux symptômes cliniques majeurs de l’endométriose.
Le MIF produit une enzyme qui participe à l’accumulation d’œstrogène dans les cellules endométriales en dehors de l’utérus. La surabondance d'œstrogènes qui en résulte stimule à son tour la production de MIF, créant ainsi une douloureuse boucle d’activation et d’amplification de la maladie.
Élogieusement commentée dans le F1000 Medicine, cette découverte est importante puisqu’elle fait progresser considérablement les connaissances sur cette maladie et la future mise au point d’un traitement efficace. En brisant cette boucle infernale et en ramenant la concentration de MIF à un niveau normal, des effets positifs sont attendus sur le problème d'inflammation, de prolifération anormale des cellules de l’endomètre, mais également sur la production locale anormale d'œstrogènes. Ce traitement pourrait être administré de façon ciblée aux femmes qui produisent trop de MIF, soit environ 70 % des patientes.
L’ensemble de ces travaux mettent en relief de multiples possibilités thérapeutiques non hormonales pour le traitement de l’endométriose.
Une première proposition de traitement (2013) Canada
Forme soluble du récepteur de type 2 de l’IL-2, un candidat potentiel pour traiter l’endométriose 2014. Medecine Science. 2013 12;29(12);1097-8
Vers une compréhension de l’endométriose
L’utilisation des outils de la biotechnologie permettront d’explorer la méthylation de l'ADN du génome entier et les profils d'expression des micro ARNs. Les anomalies épigénétiques seront ainsi identifiables dans les différentes formes d’endométriose (péritonéale, ovarienne et profonde) dont l’impact sur la fertilité est différent.
Il s’agira ensuite d’étudier le lien entre ces gènes méthylés et les contaminants environnementaux.
Enfin pour conclure, ajoutons simplement que l’on devrait peut-être nommer l’endométriose : syndrome, car il ne s’agit probablement pas d’une maladie unique.
La recherche se fait sur deux fronts :
- la diminution du temps de diagnostic grâce à un test sanguin ou une biopsie de l’endomètre
- un traitement plus adapté et plus efficace
Les bases de cette recherche
Un reflux menstruel physiologique s’observe chez 80 à 90% des femmes. Hors, l’endométriose ne se développe que chez 5 à 15% d’entre elles. Si la régurgitation des cellules endométriales au travers des trompes dans la cavité péritonéale est le point de départ de la maladie, son développement implique d’autres mécanismes. Des modifications de l’endomètre doivent permettre aux cellules endométriales de s’implanter et de proliférer dans la cavité péritonéale. Elle-même doit constituer un environnement favorable au développement des lésions.
Les phénomènes visant à promouvoir le développement de l’endométriose sont dépendants de facteurs génétiques, épigénétiques, environnementaux, immunologiques et inflammatoires.
Il a été montré que l’endomètre des femmes endométriosiques diffère de l’endomètre des femmes non endométriosiques, ces anomalies moléculaires favorisent la survie de l’endomètre ectopique. [N Engl J Med 2009;360:268-79 / Fertil Steril 2008;90:1487-95]
En quoi cet endomètre est différent ?
L’adhérence des cellules endométriosiques est favorisée par une surexpression d’enzymes et de facteurs d’adhésion qui créent des zones d’adhérence favorables à l’implantation des cellules endométriosiques à la surface d’organes ou du péritoine. [Fertil Steril 1997;68:246-51 / Hum Reprod Update 1998;4:730-5]
In vitro, cet endomètre sécrète de façon anormalement élevée de nombreux facteurs de croissance (VEGF,...) et des cytokines (IL-1, ...) participant à la survie des ilôts endométriotiques en leur assurant une vascularisation spécifique [Hum Reprod Update 2007;13:331-42]
Cet endomètre prolifère grâce à une répression de gènes pro-apoptotiques et une surexpression de gènes anti-apoptotiques [Semin Reprod Med 2003;21:165-72] mais également par le biais du stress oxydatif [Am J Pathol 2009;175:225-34].
L’inflammation chronique est une des principales caractéristiques de ce tissu endométriosique. Elle est associée à une surproduction de prostaglandines, d’enzymes et de cytokines [Endocrinology 2006;147:232-46]. La production de cytokines pro-inflammatoires favorise l’adhésion et la libération d’enzymes en permettent l’implantation.
Des changements dans l'immunité cellulaire en relation avec l'endométriose ont été observés pour ce qui est des cellules NK {natural killer) et d’autres lymphocytes. En effet, une diminution de l'activité cytotoxique de ces cellules contre l'endomètre a été notée dans le fluide péritonéal et dans le sang périphérique [Fertil Steril 1994; 62: 1086-1088]. Plusieurs mécanismes semblent être impliqués dans la suppression de l'activité des cellules NK chez les femmes souffrant d'endométriose. Une corrélation a été rapportée entre la baisse de l'activité des NK et l'augmentation des concentrations d'oestradiol [Obstet Gynecol 1993; 81: 665-668].
Dans certains tissus endométriosiques, on a observé une sous-expression de l’un des récepteurs à la progestérone. Dans l’endomètre normal, la progestérone induit la transformation d’oestradiol en oestrone. Dans l’endomètre des patientes endométriosiques, la résistance des cellules endométriosiques à la progestérone aboutit à l’accumulation d’oestrogènes favorisant la persistance, la croissance et la prolifération des lésions [J Clin Endocrinol Metab 1998;83:4474-80].
L'augmentation dans la libération de cytokines et de facteurs de croissance [Fertil Steril 2001;75: 1-10] combinée avec une déficience dans le rôle phagocytique des macrophages suscitent la croissance de l'endomètre ectopique. Des boucles d’autorégulation positive permettraient la persistance et l’accumulation des cellules immunitaires.
La première percée majeure dans la recherche sur l'endométriose date de 1997 France
Des chercheurs de l’institut Curie à Paris et de l’hôpital Necker de Clermont Ferrand, sélectionnent en laboratoire la première lignée de cellules issues de l'endométriose. [Human Reproduction Update 1997, Vol. 3, No. 2 pp. 117–123] L’immortalisation de cellules endométriosiques à régler un sérieux problème qui entravait le progrès des recherches dans ce domaine. Il fallait trouver un moyen de cultiver ces cellules en laboratoire afin de pouvoir étudier les mécanismes impliqués dans la maladie et de pouvoir faire l'essai de produits pouvant bloquer leur multiplication.
Facteurs de prédisposition génétique :
L’endométriose est considérée comme une maladie complexe dont les principaux facteurs de risques, mais pas les seuls, semblent être d’ordre génétique et environnemental. Certains chercheurs émettent l’hypothèse d’une maladie sous la dépendance de plusieurs gènes répondant à une hérédité multifactorielle.
Deux grandes études ont permis l’analyse génétique systématique de cohortes de femmes atteintes d’endométriose ou non. La première est une étude japonaise, la seconde est une étude internationale. Dans les deux cas, les auteurs sont parvenus à identifier des variations génétiques significativement associées à la maladie.
Cependant, ces variations n’augmentent que faiblement le risque relatif de développer la maladie. Ces données génétiques peuvent donc servir de points de départ pour appréhender des mécanismes biologiques liés à l’endométriose, mais elles ne peuvent absolument pas être utilisées comme marqueurs de risque dans la pratique clinique [Curr Opin Obstet Gynecol 2007;19:395-401]
Facteurs environnementaux :
Plusieurs études pointent en outre du doigt l’existence de facteurs de risque environnementaux. Les chercheurs s’interrogent par exemple sur le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens ou celui le l’influence des acides gras polyinsaturés et d’autres composants alimentaires pouvant entraîner des anomalies épigénétiques.
Certains perturbateurs endocriniens, comme le Bisphénol-A (BPA) et les phtalates qui miment les effets des hormones naturelles en interférant avec les voies effectrices de ces hormones, ont été associés au développement de l’endométriose.
De même la dioxine [Toxicol Sci 2002;70:161-70.], regroupant une famille de polluants rejetés par l’activité industrielle a été incriminée.
L’influence de l’alimentation dans la survenue de maladies oestrogéno-dépendantes dont l’endométriose fait partie, a été particulièrement étudiée ces vingt dernières années. La consommation de végétaux et de fruits frais a été associée à une réduction significative du risque de développer une endométriose alors que la consommation de charcuterie et de viandes rouges semble au contraire être un facteur de risque [Hum Reprod 2004;19:1755-9]. Le mécanisme évoqué serait qu’un régime riche en graisses pourrait augmenter le taux d’oestrogènes circulants et ainsi favoriser les maladies oestrogéno-dépendantes [Prev Med 1987;16:525-31]
Facteurs épigénétiques :
Auparavant, les scientifiques suspectaient que l’endométriose se développait chez celles dont les macrophages n’arrivaient pas à dégrader le sang qui avait reflué. Maintenant, ils avancent une autre théorie selon laquelle l’endomètre de ces femmes est différent, et que, au lieu de se nécroser et d’involuer, les cellules régurgitées vont se répandre, proliférer, adhérer ailleurs et donc se transformer en îlots d’endométriose. Ces facteurs épigénétiques sont actuellement très étudiés.
L'épigénétique est l'ensemble des mécanismes moléculaires ayant lieu au niveau du génome et de la régulation de l'expression des gènes qui peuvent être influencés par l'environnement et l'histoire individuelle ainsi qu'être potentiellement transmissibles d'une génération à l'autre, sans altération des séquences nucléotidiques (ADN), et avec un caractère réversible.
« On peut sans doute comparer la distinction entre la génétique et l’épigénétique à la différence entre l’écriture d’un livre et sa lecture. Une fois que le livre est écrit, le texte (les gènes ou l’information stockée sous forme d’ADN) sera le même dans tous les exemplaires distribués au public. Cependant, chaque lecteur d’un livre donné aura une interprétation légèrement différente de l’histoire, qui suscitera en lui des émotions et des projections personnelles au fil des chapitres. D’une manière très comparable, l’épigénétique permettrait plusieurs lectures d’une matrice fixe (le livre ou le code génétique), donnant lieu à diverses interprétations, selon les conditions dans lesquelles on interroge cette matrice. » Thomas Jenuwein (Research institute of molecular pathology, Vienne, Autriche)
Le facteur immunitaire
Récemment, les travaux du laboratoire d’immunologie de l’hôpital Cochin dirigée par Frédéric Batteux, en collaboration avec Charles Chapron, se sont focalisés sur l'interaction CXCR4-CXCL12. Ils montrent par ailleurs une production accrue de la chimiokine CXCL12 dans le liquide péritonéal des femmes endométriosiques. Ceci pourrait être expliqué par l’inflammation locale connue de la cavité péritonéale des femmes endométriosique.
En effet, une surexpression de CXCL12 est couramment observée lors des phénomènes inflammatoires, est exprimé dans l’endomètre de femmes saines et surexprimé dans les lésions endométriosiques. Enfin, ils ont montré pour la première fois l’attraction spécifique des cellules d’endomètre eutopique surexprimant le CXCR4 par le CXCL12 présent en quantité accrue dans le liquide péritonéal chez les femmes porteuses d’une endométriose profonde.
Ce mécanisme accrédite la théorie physiopathologique du reflux menstruel décrite par Sampson. En outre, ces données permettent d’envisager la voie CXCL12-CXCR4 comme nouvelle perspective pour le traitement de l’endométriose profonde notamment par un inhibiteur de CXCR4. [Journal of Reproductive Immunology, 2014 ; 103 :45–52]
L’ensemble de ces travaux permettent d’avancer dans la connaissance physiopathologique de la maladie et ouvrent de nouvelles perspectives thérapeutiques pour le traitement de l’endométriose.
Le Facteur stress oxydant ou oxydatif :
L’endométriose semble également associée au stress oxydatif. Ce dernier apparaît donc comme une nouvelle cible thérapeutique pour freiner la progression de la maladie.
Les chercheurs s’emploient à découvrir si en bloquant ce phénomène, il est possible d’inhiber la prolifération des cellules endométriales. Leurs travaux suggèrent que les femmes souffrant d'une forme profonde de cette pathologie présentent un stress oxydatif majeur au niveau du péritoine (membrane qui recouvre les organes de l'abdomen. Néanmoins, actuellement, il est impossible d’affirmer si l'endométriose est à l'origine de ce stress ou si c'est l'inverse.
L’influence de ce stress oxydatif est particulièrement étudier depuis une quinzaine d’année. La relation entre les marqueurs du stress oxydant et l’endométriose a été évoqué la première fois en 1999, [Fertility and Sterility, 1999 ; 70, 6 : 1115-1118] ainsi plusieurs études ont montré une augmentation du stress oxydant dans le sérum et le liquide péritonéal des femmes endométriosiques.
Les travaux du laboratoire d’immunologie de l’hôpital Cochin dirigée par Frédéric Batteux, en collaboration avec Charles Chapron, ont montré une augmentation du stress oxydant dans les cellules épithéliales issues d’endométriomes ovariens, secondaire à une augmentation de production des formes réactives de l’oxygène et à un défaut de détoxification [Am J Pathol 2009;175:225-34]. Ceci peut être en partie expliqué par l’état inflammatoire local chronique, connu pour augmenter le stress oxydant.
Récemment, la même équipe à réaliser une étude dont l’objectif d’identifier une molécule capable de freiner efficacement la multiplication et la diffusion des cellules utérines en dehors de la cavité de l’utérus. [Hum Reprod, 2015,30(1):49-60]. Cette étude ouvre la voie à d'autres études futures pour déterminer le rôle exact du stress oxydant dans la pathogenèse de l'endométriose. Même si une association n’établit pas une preuve de cause à effet, ces caractéristiques biochimiques intrinsèques de l'endométriose peuvent conduire à l'évaluation de l’approche thérapeutique ciblant oxydatif déséquilibre.
Infos : Qu’est-ce que le stress oxydant ?
Le stress oxydatif est phénomène lié au fait que notre organisme produit en permanence des espèces réactives oxygénées : les radicaux libres de l’oxygène (l’anion superoxyde O2•-, le radical hydroxyle OH•, le monoxyde d’azote NO• ainsi que des formes actives de l’oxygène non radicalaires comme le peroxyde d'hydrogène H2O2 et le nitroperoxyde ONOOH). Normalement, un système de détoxification permet d’équilibrer ces radicaux libres par rapport aux antioxydants. Mais il arrive que ce système soit déséquilibré, les radicaux libres vont alors s’accumuler et causer des dégâts : c’est le stress oxydant.
Le stress oxydant est un facteur d'inflammation, il est aussi considéré comme une des principales causes de cancer, dans la maladie d'Alzheimer, etc… Les antioxydants bien dosés pourraient théoriquement diminuer ces dégâts mais cela reste à démontrer.
En France :
Des chercheurs de l’Inserm (The American Journal of Pathology, Mai 2012, 180(5):1781-6) ont tenté une approche épigénétique ciblée, qui a montré des différences de méthylation (= modification chimique) de l’ADN entre les cellules qui composent les lésions et celles de l’endomètre de patientes, en particulier aux extrémités des chromosomes (Ce phénotype est associé à des formes particulières de l’enzyme DNMT3L = méthyl-transférases de l’ADN)
Une de ces formes multiplie par sept le risque de développer la maladie et pourrait donc servir d’outil de diagnostic et de pronostic, précieux sur les plans clinique et biologique.
Au Canada :
- 2002 :
Le professeur Akoum (Laval) a trouvé un des facteurs responsables de la déficience du système immunitaire : « Nous savions déjà que l’interleukine-1, un facteur inflammatoire très connu, était en cause dans l’élimination des cellules de l’endomètre. Or, pour jouer son rôle, l’interleukine-1 a besoin de trouver un récepteur sur la paroi des cellules de l’endomètre. C’est un peu comme si l’interleukine était une clé et qu’elle avait besoin d’une serrure. »
Les cellules de l’endomètre sont équipées non pas de un, mais de deux récepteurs pour l’interleukine-1. Le premier, appelé, récepteur de type 1, sert à activer la cellule de l’endomètre. Le récepteur de type 2, quant à lui, sert à la désactiver : Les deux mécanismes, activation et désactivation, se contrebalancent. Or, l’équipe du professeur Akoum a fait une découverte considérable : chez les patientes atteintes d’endométriose, le récepteur de type 2 ne fonctionne pas adéquatement. L’interleukine-1 n’arrive pas à s’y fixer. Seul le processus d’activation fonctionne. « La cellule est activée en permanence. Elle libère des facteurs de croissance et des facteurs d’adhésion. Elle déjoue tous les mécanismes de l’apoptose. »
- Avancée majeure 2012 :
The American Journal of Pathology, Sept 2012, 181 (3):917-927.
Les travaux du professeur Akoum (Laval) démontrent qu’une protéine, le MIF, est impliquée dans l’endométriose. En situation normale, le MIF permet la multiplication cellulaire, la réparation des tissus et la production de nouveaux vaisseaux sanguins. Toutefois, chez les femmes qui souffrent d'endométriose, il y a un excès de MIF et c’est ce qui joue un rôle déterminant dans le déclenchement et l’aggravation de l'inflammation. Cet excès de MIF est retrouvé dans le sang, dans les lésions d’endométriose actives et hémorragiques, mais aussi dans l’endomètre des patientes. Le MIF serait également associé aux symptômes cliniques majeurs de l’endométriose.
Le MIF produit une enzyme qui participe à l’accumulation d’œstrogène dans les cellules endométriales en dehors de l’utérus. La surabondance d'œstrogènes qui en résulte stimule à son tour la production de MIF, créant ainsi une douloureuse boucle d’activation et d’amplification de la maladie.
Élogieusement commentée dans le F1000 Medicine, cette découverte est importante puisqu’elle fait progresser considérablement les connaissances sur cette maladie et la future mise au point d’un traitement efficace. En brisant cette boucle infernale et en ramenant la concentration de MIF à un niveau normal, des effets positifs sont attendus sur le problème d'inflammation, de prolifération anormale des cellules de l’endomètre, mais également sur la production locale anormale d'œstrogènes. Ce traitement pourrait être administré de façon ciblée aux femmes qui produisent trop de MIF, soit environ 70 % des patientes.
L’ensemble de ces travaux mettent en relief de multiples possibilités thérapeutiques non hormonales pour le traitement de l’endométriose.
Une première proposition de traitement (2013) Canada
Forme soluble du récepteur de type 2 de l’IL-2, un candidat potentiel pour traiter l’endométriose 2014. Medecine Science. 2013 12;29(12);1097-8
Vers une compréhension de l’endométriose
L’utilisation des outils de la biotechnologie permettront d’explorer la méthylation de l'ADN du génome entier et les profils d'expression des micro ARNs. Les anomalies épigénétiques seront ainsi identifiables dans les différentes formes d’endométriose (péritonéale, ovarienne et profonde) dont l’impact sur la fertilité est différent.
Il s’agira ensuite d’étudier le lien entre ces gènes méthylés et les contaminants environnementaux.
Enfin pour conclure, ajoutons simplement que l’on devrait peut-être nommer l’endométriose : syndrome, car il ne s’agit probablement pas d’une maladie unique.
Pour aller plus loin :
- http://blog.santelog.com/2012/12/18/endometriose-identification-dune-proteine-cle-nouveau-traitement-en-vue-american-journal-of-pathology/
- « Élogieusement commentée dans le F1000 Medicine, cette découverte est importante puisqu’elle fait progresser considérablement les connaissances sur cette maladie et la mise au point d’un traitement plus efficace."
http://www.chuq.qc.ca/fr/actualites/salle_presse/recherche_femmes_endometriose_2012_12_17.htm
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