La naissance de Lilli H.

Au départ, Lilli H. ne devait durer que quelques semaines…

Il s’agissait alors de raconter sous forme de blog à mes endocop’s (copines souffrant elles aussi d’endométriose) comment se passait le régime alimentaire que je venais de commencer, car ce n’était non pas un régime destiné à me faire perdre du poids, mais à réduire l’inflammation due à l’endométriose. En effet, après avoir fait un certain nombre de recherches sur le net, j’en étais arrivée à la conclusion qu’il était peut-être possible de soulager mes douleurs grâce à quelques modifications alimentaires : je devais supprimer les laitages et la viande, et réduire ma consommation de graisses animales et de sucre. Après en avoir parlé avec mon généraliste, j’ai décidé de suivre ce régime pendant deux mois pour voir si c’était réellement efficace. Mes endocop’s étaient curieuses de savoir comment ça se passerait, si ça ne serait pas trop dur et surtout quels seraient les résultats. Les laitages étant proscrits, il fallait que je trouve une autre source de calcium, je me suis donc tournée vers les légumineuses, les fruits à coques et les céréales comme le boulghour, le quinoa et j’ai même lorgné sur le tofu. Mais comme je n’étais pas habituée à ce type d’alimentation, j’ai assez rapidement eu l’impression de m’être transformée en petit rongeur… Et c’est ainsi que le blog « ma vie de hamster » a vu le jour…

Pendant les premiers mois, j’y relatais donc simplement les expériences culinaires et gustatives que je pouvais faire, tout en y mettant beaucoup d’humour et de dérision, qui sont mes armes favorites. Et il s’est trouvé que plusieurs personnes ont commencé à suivre le blog de près, notamment des personnes non malades, et à me réclamer des articles quand je tardais à les faire. Mais j’ai connu des phases difficiles pendant lesquelles ma santé ne me laissait pas le loisir de tenir le blog à jour régulièrement, et une amie m’a suggéré de créer une page Facebook pour que les quelques personnes aimant le blog sachent pourquoi je n’écrivais pas, ou que je puisse y mettre les petites infos qui ne justifiaient pas un article complet. La page de Lilli H. était née… J’y publiais des petites vidéos rigolotes, de la musique punchy, des anecdotes ou des photos de hamster, rien de très sérieux.

Puis un jour, j’ai reçu un avis de la CPAM m’informant que mon arrêt maladie ne serait plus justifié à partir de telle date, quelques semaines plus tard. Et ce courrier a tout changé. Jusque là, j’avais été plutôt tranquille côté administratif, même si j’étais déjà en arrêt depuis fort longtemps. Mais là, tout à coup, alors que dans le même temps mes analyses étaient plutôt mauvaises et laissaient entrevoir peu d’espoir et peu de possibilité de traitement, on m’annonçait que je n’avais plus le droit d’être malade. Mon temps imparti était écoulé, quelque fût mon état, et je devais retourner travailler, point final. Je ne peux pas définir la colère qui m’a alors envahie. J’avais l’impression d’être une menteuse, une tricheuse qui ne cherchait qu’à traînasser chez elle aux frais de la société et que j’avais soudain été découverte. Je me suis sentie humiliée. C’était comme si tout ce que je vivais et faisais vivre au quotidien à mon entourage était faux, inexistant, balayé de la main. Les crises de douleurs au ventre ou au dos, les malaises dus à la douleur, la fatigue permanente, les visites en urgence chez les médecins 24/24h pour avoir des calmants un peu plus puissants, l’impossibilité même de m’occuper de mon fils tellement j’étais épuisée et souffrante… Tout ça était nié par une femme derrière son bureau qui ne connaissait pas mon état, ma vie, mais trouvait que j’avais assez profité de mon temps libre. J’ai été prise d’une rage folle. Ce n’était pas normal que nous ayions à vivre de tels moments. Si j’avais eu un cancer ou fait une dépression, la CPAM se serait-elle permis de mettre en doute la nécessité d’un arrêt de travail ? Aurais-je entendu les phrases injustes et tranchantes qu’on se permettait de me dire, du type « prenez un doliprane et un spasfon et retournez travailler » ou « on n’a jamais vu une endométriose atteindre la mise en invalidité » ? Je ne le crois pas une seconde. Parce que les personnes souffrant de ces maladies ont droit au respect, alors que nous n’avons bien souvent droit qu’à la suspicion et au sarcasme.

J’ai pensé à toutes mes endocop’s, qui me disaient vivre la même chose et être aussi en colère… Alors je me suis dit qu’il nous fallait nous réunir, et dénoncer toutes ensemble la manière dont nous étions traitées par les services administratifs, mais aussi par les médecins eux-mêmes, par notre encadrement et nos collègues au travail et malheureusement pour certaines par leur entourage proche, parfois même leur propre mari ou parents. Et comme nous étions en 2011, ça devait passer par les médias, par internet.

 

C’est ainsi que le mouvement Lilli H. contre l’endométriose a vu le jour : d’un ras le bol, d’une colère. Et petit à petit, les endogirls ont commencé à me rejoindre, les témoignages à fleurir dans ma boîte mail et les filles me suivaient, me soutenaient, attendaient, toutes prêtes au combat, toutes dans le ras le bol et la volonté de faire changer les choses… Les Lillinautes étaient nées.

En un an nous dépassions les 300 fans sur facebook, et nous avions récoltés plus de 50 témoignages.

En février 2012, nous lancions le premier site Lilli H contre l’Endométriose.

A l’été 2012, suite à de nombreuses demandes, un groupe de soutien et de paroles a été créé sur Facebook. Il remporte un franc succès, et nous sommes fières de voir le respect  et la solidarité qui y règnent.

Aujourd’hui, heureusement je ne suis plus toute seule à gérer tout ça, une vraie équipe a été créée au fil du temps (et je remercie mes Lilli Sisters du fond du coeur de m’avoir rejointe ! Sans vous, comment aurais-je fait !!), la Team Lilli H., et elle continue de se développer régulièrement, au gré des rencontres et des besoins. Nous fourmillons d’envies, de projets, et avons une vraie volonté de réussir, malgré les difficultés que nous rencontrons. Sans oublier que, au-delà de nos vies privées et professionnelles que nous ne voulons pas sacrifier, nous souffrons toutes d’endométriose à des stades différents, ce qui implique non seulement que nous devons nous-même mener le combat contre la maladie, mais aussi que de temps en temps ça devient lourd de s’occuper de tout ça parce que tellement lié à nos souffrances personnelles et intimes, et que nous avons alors besoin de prendre un peu de recul… Et puis, par chance, nous avons aussi des grossesses au sein de notre équipe, et même s’il n’y a pas de réel congé maternité ou parental quand on est passionnée ou révoltée, nos membres prennent toujours un peu plus de temps pour elles. Et c’est normal : réaliser un rêve, ça se vit à fond…

La mission que nous nous sommes donnée n’est pas aussi simple que je l’imaginais au départ. Nous buttons contre pas mal de portes fermées. Mais nous y arriverons parce qu’il n’y a pas d’autres possibilités.

Demain, j’espère, les médias et le Ministère de la Santé entendront notre appel, le comprendront, le prendront en compte… L’endométriose deviendra alors une maladie connue, comprise, respectée et les mentalités changeront… Et nous, endogirls, nous n’aurons plus besoin de perdre toute cette énergie à nous justifier, nous pourrons concentrer toutes nos forces sur la guérison.

Lilli H.

Pour aller plus loin :

Cet article du blog « Ma vie de hamster, ou comment je me suis retrouvée à manger des graines pour tenter de réduire mes douleurs d’endométriose » a  été publié peu de temps après le premier appel sur la fanpage Facebook. Il a remporté un vif succès, et explique bien la genèse du mouvement… Nous vous permettons de le redécouvrir en cliquant ici :
http://maviedehamster.blogspot.fr/2011/08/lilli-part-en-guerre.html