Marie Anne - 35 ans

  • Nom : Mormina
  • Prénom ou surnom : Marie-Anne
  • Année de naissance : 1978
  • Age des premières règles : 12 ans
  • Age des premières douleurs liées à l’endométriose : 21 ans
  • Age auquel le diagnostique a été posé : 21 ans

 Un beau matin de février, j’avais 11 ans, mes règles sont arrivées. Etrangement, je ne les attendais pas avec envie comme toutes mes copines…

Et étrangement, je n’étais pas heureuse de les avoir…

J’avais toujours vu ma grande sœur malade lorsqu’elle avait les siennes. Je savais ce qui m’attendait…

Du moins, je le pensais…

 

Effectivement, j’ai été malade à chaque cycle. Peu au début, puis plus les années passaient plus je souffrais, et plus elles devenaient douloureuses, abondantes, et duraient longtemps.

En dehors de ça, je n’avais aucun autre symptôme. Mais si je compare à ce que je pouvais voir chez ma sœur, qui elle n’a pas d’endométriose, franchement c’était pas si mal. Et ma vie était jolie.

 

Puis un matin, j’avais 21 ans, une terrible douleur me réveille. C’est la première hors règle. La première d’une longue série…

En 6 jours, le diagnostic passe de la simple gastro à la grosseur suspecte sur l’ovaire droit. Ma gynécologue de l’époque va avoir une réaction qui sans doute m’épargnera bien des années d’errance, elle reconnaît de ne pas pouvoir me traiter au bout d’un quart d’heure d’examen, et m’envoie immédiatement chez un chirurgien gynéco. Lui-même aura le bon réflexe, il m’opérera immédiatement. Ainsi, en 10 jours, j’ai su que j’avais une endométriose.

 

A partir de là, le cauchemar commence. J’enchaîne les traitements et les opérations, mais à part ma courbe de poids qui connaît une ascension fulgurante, rien ne bouge vraiment. Rien ne me soulage. Psychologiquement, c’est très dur. Mon copain de l’époque s’est enfui minablement, ceux que je croyais être mes amis me laissent tomber : une fille qui annule tout le temps sous prétexte d’avoir mal au ventre, c’est pas une bonne copine. Je suis toute jeune, à peine 23 ans, et ma vie me semble finie. J’ai changé de chirurgien et celui qui me suit à ce moment-là devient méchant, pessimiste, je comprendrais plus tard que c’est parce qu’il ne sait plus quoi faire de moi. Au travail, je suis la cible de moqueries parce que j’essaie de trouver des solutions pour rester travailler quand même qui sortent du cadre habituel, comme travailler debout devant mon pc, et parce que je suis fréquemment en arrêt. Je n’ai plus que très peu d’amis. Ma vie sociale est un vide absolu. Je vais réellement très très mal.

 

Grâce à ma sœur qui insiste lourdement, je suis alors prise en charge psychologiquement, et en quelques mois je remonte une pente bien raide. Dans le même temps, un vieux professeur m’a sorti un traitement de derrière les fagots, une simple pilule pas très courante, le premier qui fonctionne sur moi et me permet de connaître, enfin,une rémission. Ces fameuses phases dont nous sommes toutes à la recherche…

 

J’en profite pour redémarrer ma vie, pour vivre. La fatigue est toujours là, mais bon sang que c’est bon de vivre  !!! Au bout d’un an, je fais une sacrée rechute. Je dois être hospitalisée, encore, mais dans un nouveau service, avec une nouvelle gynéco, qui me dira, et ça sera la première fois que je l’entendrais « je sais que l’endométriose est une malade grave, pénible, douloureuse et difficile à soigner. » et ça, ça vaut tout l’or du monde. Je suis enfin entendue, reconnue. Je ne suis pas une folle qui cherche à attirer l’attention, qui se shoote aux anti-douleurs ou qui cherche des prétextes pour être opérée. Je suis une malade. D’une maladie difficile à soigner. Merci à cette femme. Elle ne sait sans doute pas le bien qu’elle m’a fait.

 

A ce moment-là, je rencontre l’homme de ma vie, qui sait avant même que nous soyons ensemble que je suis malade et qui accepte tout, et me soutient dans tout. Notre histoire va très vite parce que c’est une évidence, nous nous sommes trouvés, et nous décidons d’avoir un enfant au bout de quelques mois. Nouvelle vie, nouvelle ville, nouvelle gynéco. Dès que je lui dis «  envie d’un bébé » elle me répond « procréation médicalement assistée » et nous voilà parti dans ce tourbillon, sans même bien savoir ni pourquoi ni comment. Les espoirs, les mauvaises nouvelles, les résultats bons et les mauvais. L’intrusion dans la vie intime. Mais l’espoir malgré tout. 5 mois après avoir commencé l’aventure PMA, sans avoir eu aucun traitement, je fais une fausse couche précoce. La semaine qui suit, l’endométriose s’accroît. Il est décidé de faire une FIV immédiatement. Mais un des résultats arrivera en retard. Ca suffira à la nature pour nous donner le plus beau des cadeaux  : notre fils.

 

La grossesse n’est pas simple. Je suis surveillée de près, arrêtée très vite. La gynéco qui me suivait à ce moment-là était une femme incroyable, d’une gentillesse infinie, et elle avait compris que j’avais besoin de plus d’attentions et de surveillance qu’une femme lambda… J’ai eu neuf mois de contractions, de douleurs à cause des adhérences qui lâchaient au fur et à mesure que mon ventre grossissait, failli accoucher à 6 mois de grossesse… Mais mon bébé était là, il grandissait en moi, et le lien que nous avions était déjà plus fort que tout… La sage-femme qui nous suivait en haptonomie avait compris l’histoire si particulière qui se tissait… Elle a été essentielle à ma transformation de jeune femme en mère. Notre fils est finalement né à terme, en parfaite santé. Je passais des heures à le regarder. Moi qui avait grandit avec l’idée que je n’aurais jamais d’enfant, j’avais le plus parfait des bébés. Je regardais ses oreilles, ses tous petits ongles, sa bouche, et je n’en revenais pas que ça soit mon ventre si malade qui l’ait fait si parfait…

 

Là, commence une partie de ma vie incroyable : une rémission de 2 ans et demi. L’endométriose me laisse tranquille, mais mes intestins ont été trop fragilisés, et ma vésicule a été attaquée par les traitements à répétitions. Je connais d’autres douleurs, d’autres, souffrances, d’autres spécialistes, d’autres opérations, d’autres patiences… Un corps abîmé ne peut pas aller juste bien.

 

Mais quand notre fils a deux ans et demi, nous décidons d’avoir un deuxième enfant. Nous ne l’aurons jamais. Très vite, à peine quelques mois après l’arrêt de la pilule et donc le retour de mes règles, les hémorragies et les douleurs recommencent. Je ne suis pas dupe. Je sais que l’endométriose est de retour. C’est le début d’un enfer qui durera 3 ans  au cours desquels je vais connaître traitements inefficaces, PMA, fausses couches précoces, injections de dérivés morphiniques de plus en plus fréquentes,  et qui se soldera par une hystérectomie et une ovariectomie partielle alors que j’ai 34 ans.

C’est la fin de ma vie de femme féconde.

C’est le début d’une autre vie, différente, étrange, mais pas tranquille, pas sans douleur. L’endométriose reste une ombre qui plane sur ma vie. Mon corps a bien trop souffert, bien trop enduré, bien trop absorber de traitements. Leurs effets secondaires, comme les problèmes intestinaux, la fibromyalgie, la fatigue chronique font toujours parti de ma vie. Les peurs aussi. Je ne sais pas de quoi demain sera fait. Je ne le saurai jamais.

Tout au long de ces 13 années, j’ai rencontré des médecins ignobles qui m’ont méprisée. D’autres formidables qui m’ont entendue et aidée autant que faire se peut. Je suis tombée dans un puits sans fond de dépression dont seul une prise en charge psy a pu me faire sortir. Je suis alors devenue plus forte, plus résistante à la douleur, j’ai appris tellement de choses que j’en sais plus que certains professionnels, j’ai appris à laisser faire le tri naturel autour de moi. J’ai appris que j’avais une famille, un mari et des amis exceptionnels. J’ai appris que je suis la seule à connaître réellement mon corps, et que si un médecin ne me croit alors il ne faut pas qu’il me prenne en charge parce qu’il ne me soignera pas bien. J’ai appris qu’ils peuvent avoir tort, ces médecins, tout parés de titres qu’ils sont, et que je ne dois plus avoir peur de le leur dire.  J’ai appris que ce n’est pas parce que sur une IRM ou une écho on ne voit pas de lésions d’endo qu’il n’y en a pas.  J’ai aussi appris qu’être malade est une plaie terrible, c’est vrai, mais une force malgré tout. Ma maladie a fait de moi qui je suis aujourd’hui, et je n’ai pas à en rougir. Je me suis battue et je me bats encore la tête haute. J’ai fondé un mouvement pour aider les femmes comme moi à être entendues et reconnues. Je veux que cette maladie existe aux yeux de tous. Pas seulement sur les réseaux sociaux où les endogirls trouvent le soutien qu’elles n’ont pas dans la vie, mais partout, pour chacun des habitant de cette planète. Je veux que lorsque je dis que j’ai une endométriose, on me dise «  ah ! Je sais ce que c’est ! C’est terrible ! Vous êtes bien courageuse ! » parce que c’est ce que je suis. Et surtout, je veux que lorsqu’une femme apprend qu’elle a une endométriose, elle sache ce que c’est, et qu’on puisse lui expliquer ce qu’on va faire pour la GUERIR. Pas pour tenter de soulager ses souffrances auxquelles on en croit pas vraiment, mais bel et bien la guérir en ayant conscience qu’elle vit un enfer. Ce jour-là, notre combat sera gagné.

Une réflexion sur “ Marie Anne - 35 ans ”

  1. je compatis complètement….ayant connu le même parcours du combattant, j’en suis toujours aux traitements, j’ai 48 ans, j’ai eu une fille qui a maintenant 23 ans, mais ensuite la même galère que vous, aternance de mieux, de rechutes et toujoursl’incompréhension des autres…les pb de poids, plus de vésicule non plus, les intestins n’en parlons même pas…

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