Chantal - 37 ans

· Nom : Babo

· Prénom OU Surnom : Chantal

· Age des premières règles : 11

· Age des premières douleurs liées à l’endométriose : Je ne sais pas. Ça a toujours été douloureux dès le début. Les problèmes n’ont cessé de s’amplifier avec l’âge.

· Age auquel le diagnostic a été posé : détectée à 30 ans mais la gynécologue ne m’en a pas parlé et ne m’a pas expliqué. J’ai retrouvé le papier des années plus tard sur lequel l’endométriose était mentionnée. Détectée et prise en charge à 34 ans, « par hasard » lors d’une opération « pour une tumeur »

· Année du témoignage : 2012

Stade de la maladie (si possible) : endométriome ne pouvant pas être soignée, avec kystes chocolats multiples. Point de contact avec le gros intestin. Hystérectomie obligatoire.

Conséquences de la maladie sur ma vie actuelle (sociale, personnelle, affective, sexuelle…) : En arrêt de travail depuis deux mois : douleurs, ballonnements, gaz, épuisement tel qu’il m’est parfois difficile de marcher (de me tenir debout). Plus de sorties, de soirées. Plus de vie sociale. Les problèmes remontent loin et pendant des années je n’ai pas su pourquoi je souffrais et pourquoi j’étais si fatiguée, je ne pouvais pas expliquer à mes connaissances / collègues. On me regarde un peu comme un phénomène triste (je ne sors pas en boîte !) et pas très courageux.

Les rapports sexuels sont très difficiles et douloureux. On m’a avertie que je ne pourrai pas avoir d’enfants. Je n’ai pu en avoir : le deuil est très douloureux.

Ma vie n’est pas gâchée, mais que de casse!

 *Ce que je voudrais voir changer dans la prise en charge de la maladie :

Une sensibilisation des médecins et des gynécologues ( qui n’y connaissent rien !!)

Un dépistage précoce de la maladie, dès les 1ères douleurs de règles et/ou des règles trop abondantes / trop longues .

Une écoute humaine et plus des « secouez-vous, madame, buvez du café » ou des haussement d’épaules quand on évoque les douleurs - ou de jugement sur votre santé mentale et votre évident besoin d’une psychothérapie énergique.

« Mon nom est Chantal, j’ai 36 ans. Depuis plus d’une vingtaine d’années je souffre de troubles liés aux menstruations. Dès le début j’ai eu des règles extrêmement douloureuses : je me tordais au sens littéral du terme à en hurler, des coups de poignards me déchiraient le ventre. On ne s’en est pas inquiété car c’était « normal » : ça se passait comme ça chez certaines femmes. Avec les années les douleurs ont augmenté de telle manière, avec des spasmes si violents, qu’à 20 ans, au moment des premièrs jours de règles, je ne pouvais plus rien avaller, pas même les cachets : je vomissais tout; Ainsi je pouvait passer 3 jours sans manger, en vomissant. J’étais dans ces périodes, et avant même que les saignements ne débutent, dans un état d’extrême fatigue et faiblesse au point de tenir à peine debout. Mes règles étaient très abondantes au point que je portais des serviettes pour incontinents : les autres ne suffisaient pas à contenir les flux; Avec ça je faisais des anémies régulièrement. Je suis descendue à 9 de tension et je perdais tous mes cheveux : il me restait 3 poils sur le cailloux.
On m’a alors fait des examens de sang, mais à part les taux de fer tout était normal. Le médecin qui me suivait était très dérouté. Je m’inquiétais beaucoup pour mon avenir professionnel car avec ces douleurs, vomissements, faiblesse, je devais garder le lit au moins une semaine par mois.
Pour mes 24 ans, sans que je ne me l’explique, mon état s’est brusquement amélioré : les vomissements liés aux règles ont cessé, ce qui m’a permi de prendre des anti douleurs qui me soulageaient un peu. En revanche je devais prendre des anti douleurs sur plus d’une 10aine de jours par mois, et les problèmes de fatigue s’accentuaient, en m’handicapant réellement.
J’ai ensuite passé des concours. L’épuisement (plus de la fatigue) a pris des proportions indéscriptibles : je ne tenais plus debout, étant dans un état de faiblesse extrême. A la même époque, on a relevé des hémocultes positifs. Le médecin qui me suivait alors était encore une fois très dérouté. Il s’est mis à soupçonner un problème plus profond mais étant jeune médecin à préféré demander conseil à un collègue plus âgé … qui l’a rassuré : celà ne voulait rien dire, pas de quoi s’affoler. Donc il ne faisait rien.
J’ai changé de médecin qui lui, n’a fait aucun examen, m’a mis directement sous anti-depresseur. Jusqu’au jour où il m’a expliqué que je n’avais rien, mais que je souffrais de manière évidente d’un conflit intime et personnel avec mon père ( !!!??!). Je suis partie (relativement furieuse). J’ai réussi mon concours par miracle, étant donné l’état d’épuisement qui me minait. Par ailleurs, mes flux de règles se régulaient : très abondants, mais bien moins qu’autrefois, j’ai pu mettre des serviettes et protections « normales ». Doubles (tampon + serviettes maxi le ou les 1er jours), mais plus pour incontinent. Cependant la durée des pertes s’allongeait de plus en plus dans le mois et les anémies se succédaient.

Et puis je me suis mariée. J’avais 31 ans. Et là, j’ai découvert que les relations intimes étaient un cauchemar : une douleur insupportable, pendant, et après. Comme je suis très naïve, j’ai pensé que c’était peut-être « normal » puisque les gynécologues me le disaient. Quant à la sécheresse intime : je n’avais plus aucune glaire. On m’a traitée pour infection mais les douleurs persistaient. Les anémies se succédaient. Et cette fatigue ! Fer ou pas fer, j’étais sans cesse à l’extrême limite de mes forces. Dès que j’ouvrais les yeux, ma première pensée était : Mon Dieu, quelle fatigue !! Me lever le matin, m’habiller, faire à manger, et bien pire : nettoyer, faire le ménage : tout était un exploit surhumain où je trainais un corps épuisé de 10 tonnes, avec des jambes en coton qui ne me portaient plus. Si je descendais des escaliers, je m’agrippais à la rembarde. Si j’en montais, je devais faire des pauses marche par marche, et souvent m’asseoir dans les escaliers pour reprendre des forces. J’utilisais parfois un parapluie comme canne pour me soutenir. J’ai été arrêtée un an, et ai eu un mi-temps thérapeutique pendant un an. Et puis, pas de bébé…
J’ai fait à cette époque « tourner » les gynécologues. L’une m’a fait faire des examens et à découvert l’endométriose mais ne m’en a rien dit ! J’ai retrouvé son rapport de 2005 cette année et ai découvert cette première mention - stupéfaite. A l’époque, ignorant tout de ce mal, je n’y avait pas fait attention et m’était contentée d’écouter ma gynéco qui me parlait de fibromes qui ne pouvaient pas gêner la procréation. Elle voulait que je fasse une FIV. Moi je voulais être soignée : je suis partie.
La suivante ne m’a fait aucun examen, m’a donné une pilule pour réguler les cycles mais que j’ai demandé d’arrêter tant la sécheresse intime devenait insupportable. Quand je lui ai parlé de ma fatigue elle m’a engueulée en me disant que toutes les femmes avaient des moments de fatigues avec les règles et que je n’avais qu’à me secouer et à « prendre du café ». Je suis partie; très démoralisée.
Par ailleurs mon médecin traitant (qui me suis toujours) me faisait passer une batterie de test sanguins, une coloscopie suite aux hémocultures positifs et au sang que je repérais régulièrement dans les selles. Rien : tout était ok. Il m’a envoyé à l’hôpital rencontrer un spécialiste chargé de me faire un check-up; il m’a vue 1 heure, m’a fait monter sur la balance, m’a dit que j’étais en excellente santé, que la fatigue : pas grave, et que pour les hémocultures : arrêter de prendre les anti-douleurs, j’en surconsommais et donc j’étais hémophile : le sang trop liquéfié passait ainsi dans les selles. Mon médecin en a logiquement conclu que mon problème était psychologique et m’a envoyée faire une psychotérapie , qui m’a sucée financièrement, sans aucun résultat. J’étais si mal que je ne voulais pas passer à côté de quelque chose et j’ai donc fait cette psychotérapie qui m’épuisait (déplacements + inanité des séances). Quand je disais à mon médecin que mon problème était bien physique, et qu’à priori c’était plutôt la fatigue physique qui jouait sur mon moral, il me répondait que l’Humain est très complexe et que lui pensait que c’était le contraire : des problèmes inconscients, parfois remontant à plusieurs générations, expliquaient surement mon état. A sa décharge je dois dire que la même année j’ai essayé l’acupuncture, et que c’était aussi l’avis de la soignante.

Le 3ème gynécologue a fait faire des echographies pour les fibromes relevés les années précédentes. Au cours de l’une d’elle, le médecin radiologue s’est exclamé : mais vous avez une énorme boule, là ! Je l’ai interrogé : elle n’a rien voulu dire de plus, affirmant qu’on l’avait « mandaté » pour les fibromes et pas pour le reste : le reste, je le verrais avec mon gynéco. Lequel a fait faire des examens complémentaires (des radios dont je ne me souviens plus du nom : on injecte un contrasteur avant). La présence de la « boule  » est alors confirmée. Mon gynéco m’explique que c’est une tumeur, placée sur la paroi gauche de l’utérus. Elle est grosse me dit-il mais ne présente aucun risque: il vaut mieux la laisser en place; Il m’affirme qu’elle ne peut absolument pas gêner la procréation, ni la fertilité. Quelques mois après, je suis si mal que je retourne le voir en pleurant pour le supplier de m’opérer. Même si c’est pour un bénéfice infime je souffre trop : je veux tout faire pour avoir une amélioration, même minimale de mon état.
Mon gynécologue est aussi chirurgien. Il accepte . Après l’opération, en 2009, il vient me trouver. Il a l’air un peu gêné. Il m’explique que l’opération a été plus compliquée que prévue. La tumeur était trop grosse: le passage par le nombril a échoué. il a du m’ouvrir en césarienne pour la retirer; Elle faisait 7 cm de diamètre. L’utérus a été retrouvé très « rouge » et enflammé: mal en point. Et puis en fait, après analyse, la tumeur n’en était pas une : c’est un « kyste chocolat » qui accompagne une maladie : l’endométriose. J’ai vite noté ce nom nouveau pour ne pas l’oublier. J’étais ravie qu’on ait trouvé quelque chose et qu’on puisse enfin me soigner. Il m’a expliqué qu’il allait me mettre 6 mois sous ménopause artificielle pour permettre à mon organisme de récupérer et puis qu’ensuite il me faudrait avoir un bébé « le plus vite possible » car mes chances diminueraient de plus en plus : il me donnerait un traitement hormonal pour améliorer la fécondité. Les 7 mois qui ont suivi ont été merveilleux. Je me sentais si bien, si forte. J’ai pu me remettre à me promener, à faire des activités physiques, j’ai pu reprendre mon travail. Je n’étais plus fatiguée. Je ne faisais plus des nuits de 10-12 heures. Je me levais facilement le matin, reposée et pleine d’energie. J’étais BIEN comme je ne l’avais jamais été. C’étais si merveilleux : une résurrection ! Mes cycles sont revenus : ils étaient si courts, si ténus, sans douleurs ! C’était magique. Malheureusement je ne parvenais pas, avec mon mari, à convevoir. Mon gynécologue me donnait des ovules à prendre à partir du 14ème jour du cycle, mais, rien …

Un jour je suis tombée sur une publicité dans un magazine (sérieux) parlant d’une méthode américaine permettant de lutter contre la stérilité, et permettant de repérer ses causes (endométriose incluse) : la « nano-pro technologie » (il existe un site internet). Je les ai contactés, n’ayant plus rien à perdre, et suis depuis suivie. J’ai appris a repérer les phases de mes cycles mois après mois, par l’observation et en tenant un tableau. C’est une méthode très précise et qui m’a plus appris sur moi-même en quelques mois, qu’en 30 ans. j’ai ainsi découvert que mes cycles étaient très irréguliers, ainsi que l’ovulation qui ne tombait jamais le 14ème jour du mois mais le 10, 16, 13, 14, 7, 15, 12ème jour du mois … bref, n’importe quand. J’ai appris aussi que « l’ovule » pris avant l’ovulation empêchait la fécondation ! Ce qui explique sans doute que les premières tentatives n’aient pas donné grand chose … Depuis, avec cette méthode je reçois un traitement pour : réguler mes règles, qui depuis redeviennent abondantes, augmenter les glaires, et améliorer les taux hormonaux; Et on me fait des examens médicaux : dosages sanguins des taux hormonaux et echographies, qui ont permis de détecter dès mai 2011 une reprise de l’endométriose. Un IRM a permis de voir que plusieurs kystes ovariens se développaient sur l’ovaire gauche, et qu’un adénomyose (?) se développaient dans l’utérus sur une des deux parois.
On m’a également dit que les cicatrices de l’ancienne endométriose étaient très visibles, avec des nécroses importantes et qu’elle avait un point de contact avec le gros intestin. Mais la maladie n’a pas repris sur cet ancien foyer. Lorsque j’en ai parlé à mon médecin traitant pour savoir si le contact pouvait expliquer les hémocultures positifs et les traces de sang repérées à l’oeil nu sur les selles il a paru dubitatif. Je ne sais qu’en penser (La corrélation entre les deux me semble logique).
D’autre part, depuis mai, mon état physique se dégrade rapidement. Mes règles dépassent les 10 jours, les douleurs sont encore ténues mais sont bien présentes et vont en augmentant , et l’épuisement revient au point de ne plus pouvoir me lever certains jours, et de devoir parfois me déplacer avec le secours d’une canne. Les gestes du quotidien sont de nouveau un combat et j’ai dû redemander un arrêt maladie en espérant que l’opération promise arrive le plus vite possible, et qu’elle soit complète !
Une chose me perturbe fortement cependant : lorsque je parle de cet état de fatigue aux médecins, qu’il s’agisse de mon médecin traitant, de la gynécologue qui actuellement m’accompagne avec cette méthode mentionnée ci-dessus, ou même du docteur radiologue, tous me disent que la fatigue n’est pas un symptôme de l’endométriose et qu’il faut aller « chercher ailleurs ». Et pourtant la différence était spectaculaire après mon opération. Et pourquoi un corps qui lutte contre cette saloperie n’aurait-il pas droit d’être fatigué, voir épuisé. Pourquoi ne veut-on pas prendre en compte cette souffrance et ce handicap, si difficile à porter et si perturbant ? Me voici de nouveau déroutée et ne sachant vers qui me tourner. C’est un véritable parcours du combattant qui fatigue autant moralement que physiquement.
Il est impératif que cette maladie soit prise au sérieux par le corps médical, qui semble la traiter, et traiter les femmes, avec beaucoup de mépris, d’a-priori, et de suffisance. Par pitié, on souffre, et ce n’est pas dans la tête !!!! Est-il vrai que la fatigue n’accompagne pas les malades de l’endométriose ? Qu’en disent les autres femmes atteintes de ce mal ?