Lindy - 26 ans

. Nom : Ghouali

. Prénom  : Lindy

. Année de naissance : 1984

. Age des premières règles : 11 ans et demi

. Age des premières douleurs liées à l’endométriose : 16 ans

. Age auquel le diagnostic a été posé : 22 ans

. Stade de la maladie : stade 4 avec atteintes profondes

. Année du témoignage : 2011

* Conséquences de la maladie sur ma vie actuelle (sociale, personnelle, affective, sexuelle…) :

Absence de libido (2 ans sous decapéptyl), pas de vie sexuelle, pas d’activité professionnelle depuis Juillet 2009, peu sociable...

*Ce que je voudrais voir changer dans la prise en charge de la maladie :

Avoir un personnel médical formé et compétent sur l’endométriose quand je me rends aux urgences notamment !!

« J’ai 26 ans et mon endométriose a été diagnostiquée en Aout 2007 suite à une occlusion intestinale. Mes premiers symptômes sont selon moi, apparus depuis 2000. De 2000 à 2007, j’ai été opérée de 5 bartholinites et de 2 fistules anales…mais en réalité j’ai récidivé à chaque cycle sans que personne ne comprenne pourquoi… D’abord mon généraliste pensait que si je récidivais c’était de la faute d’un chirurgien qui n’avait pas remonté le foyer assez loin pour que l’abcès n’apparaisse plus. Au bout de la 4 ème récidive opérée par 4 chirurgiens différents, c’était la faute de l’infirmière qui faisait de tout évidence très mal mes soins, puis ce fut ma faute… j’ai certainement une mauvaise hygiène intime… Se faire opérer à chaque cycle était devenu impossible et suite à quelques recherches on m’a trouvé un « traitement local » qui permettait de réduire l’abcès sans pour autant l’éradiquer. Fini de porter des pantalons, les sous vêtements en dentelles, éviter le plus  possible de marcher, et les activités sportives on oublie…

A chaque cycle je vivais avec l’angoisse de récidiver d’une fistule anale, ou d’une nouvelle bartholinite, sans savoir que ce n’était que le début de mon cauchemar. Au fur et à mesure des mois se sont ajoutées de violentes douleurs à chaque fois que j’avais mes règles. Chaque mois c’était un peu plus violent que la fois précédente. Je n’arrivais plus à aller à la selle pendant mes règles qui pouvaient durer entre 6 à 15 jours…Plusieurs fois j’ai fini aux urgences tellement c’était devenu insupportable : radiographie, irm, echo pelvienne, rien… aucun diagnostic. On m’a introduit des litres de lavements en pensant à une très méchante constipation… mais toujours rien… En général vers 3H du matin les médecins faute de réponse, et voyant que rien ne m’aidait, me faisaient une injection de morphine qui finissait enfin par me soulager… Et toujours aucune réponse… je pouvais presque deviner avec le temps ce qu’ils pensaient : « sûrement des règles juste trop douloureuses, ou, une jeune fille un peu trop douillette. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter. »

Les douleurs n’ont jamais cessé d’augmenter, jusqu’au jour où, à un début de cycle, j’ai arrêté de m’alimenter. Mon ventre était ballonné, et les douleurs plus que présentes…mais pourquoi s’inquiéter? C’était pareil tous les mois! Après un passage par SOS médecins, puis aux urgences le lendemain, toujours pas d’amélioration. Je ne m’alimentais plus depuis presque 3 jours, mais mon ventre était plus que gonflé. J’ai fini par me mettre à vomir. Un gastro, ami de mon généraliste, m’a vue en urgence à son cabinet :  » Je suis sure que tu n’as qu’un très grosse constipation, j’ai un médicament qui te déboucherait un évier, ne t’inquiète pas ! On va juste faire une radiographie de routine et je te le donnerai. » Il était si sûr de lui… Au resultat de mes examens, son ton rassurant c’était envolé, et tous s’est enchaîné : L’intestin grêle s’était fermé totalement, il a fallu m’hospitaliser le jour-même, me mettre une sonde naso-gastrique avec aspiration, et, m’opérer le lendemain matin à la première heure. Au bout d’un mois d’hospitalisation avec cette sonde, donc sans alimentation, et à la suite de plusieurs examens, le diagnostic est tombé : Une Endométriose stade 4, nous étions en Aout 2007. Le monde ne s’est effondré sous mes pieds que quelques mois après, courant 2008, lorsque que l’opération programmée a été annulée faute de matériel suffisant. Originaire de la Réunion, mon dossier a été présenté à plusieurs autres hôpitaux et cliniques de la région, qui ont refusé de me prendre en charge… il valait mieux que je me fasse soigner en France métropolitaine…

Tout le nécessaire a été fait pour que je consulte à Paris, un éminent Professeur. De 2009 à 2010 j’ai fait plusieurs aller-retour Réunion/Paris pour consulter le Professeur D. Il a été très clair : j’avais une endométriose avec atteinte digestive profonde et, si on voulait un enfant un jour, c’était maintenant. Alors que je n’étais en concubinage que depuis 1 an, la question d’avoir un enfant s’est vite posée. Nous n’avions qu’une solution : faire une fécondation in vitro le plus rapidement possible, m’opérer pour me soulager de l’endométriose était inenvisageable. Ne répondant pas aux conditions nécessaires pour être accepté en fiv ( 2 ans minimum de concubinage ou être mariés) le professeur me fit comprendre qu’en plus d’envisager l’arrivée d’un enfant, il fallait songer au mariage très vite, car le temps nous était compté. En 2 mois le mariage a été célébré, et le mois suivant nous étions en FIV à la Réunion.  On m’a proposé un traitement inadapté en déclenchant mes règles que je n’avais plus depuis 2 ans maintenant. Les conséquences n’ont pas tardé : occlusion intestinale du grêle à nouveau…et me revoila avec cette sonde naso-gastrique avec aspiration… mais les médecins ont trop attendu alors que ça faisait 5 jours que j’étais à l’hôpital, ils refusaient encore de m’opérer et font le nécessaire pour m’envoyer en transfert sanitaire (11heures de vol) me faire opérer à Paris.
Je rejette le liquide infectieux verdâtre lié à l’occlusion totale, par la bouche et par l anus, en quasi continu depuis 2 jours, les douleurs s’accroissent. L’équipe de la douleur arrive en urgence mais il est trop tard selon eux, la pompe à morphine ne me soulage plus car elle a été posée trop tard. L’appendice a eu le temps d’eclater…mais je ne le saurais qu’après mon intervention… qui aura lieu en urgence le soir même. On m’a gardée encore un mois avec cette sonde naso-gastrique avec aspiration en hospitalisation.

L’avis des médecins est plus que jamais sans appel, il faut que je me fasse opérer le plus rapidement possible à Paris. Le Professeur D.ayant appris mon intervention m’a proposé une prise en charge en fécondation in vitro par l’équipe de son hôpital. Huit mois après, avec mon mari, nous avons quitté la Réunion pour commencer une nouvelle vie à Paris, pour faire ma fécondation in vitro. Partis le 16 aout 2010, j’ai commencé ma prise en charge FIV en septembre 2010. Bien que le protocole ait changé… je réagis encore très mal au traitement. Hyperstimulation… beaucoup de follicules mais aucun à maturité. On augmente les doses du traitement… apparition de kystes, mon ventre gonfle, j’ai très mal, j’ai du mal a uriner… rendez-vous à l’hôpital en urgence…on arrête tout… impossible de continuer avec les kystes. Les médecins de la pma me réorientent vers le Professeur D. pour faire un bilan sur la maladie, mais ils restent optimistes :  » Nous y retourneront avec un traitement personnalisé pour la douleur s’il le faut. »

J’ai revu le Professeur D rapidement. De nombreux examens les uns plus douloureux que les autres ont été effectués.
Entouré de son équipe, il m’a expliqué que compte tenu de mes atteintes, il ne pouvait pas m’opérer pour dégager l’utérus pris dans l’endométriose et m’envoyer en FIV. Une opération conservatrice est impossible… et retourner en fiv avec mes atteintes pourrait s’avérer risqué pour ma santé, voire pour ma vie… Je n’ai plus la force de retourner en FIV, mon corps est épuisé. Alors le professeur D me propose cette chirurgie radicale de l’endométriose, dont il refusait de me parler tant que je n’avais pas tenté au moins une FIV. Mon dossier est passé devant un Comité pluridisciplinaire de chirurgiens… ils ont accepté que je fasse cette chirurgie, malgré mon jeune age.

Le 29 Juin 2011, j’ai subi cette chirurgie radicale de l’endométriose. On m’a enlevé un nombre impressionnant d’organes touchés par la maladie. Depuis cette intervention j’ai une paralysie de la vessie qui devrait avec le temps reprendre un fonctionnement normal. Mais je ne retiens qu’une chose… je n’ai plus ni ovaire, ni utérus. Cela se serait sûrement passé différemment si on avait pas attendu 7 ans avant de poser mon diagnostic.

Même après avoir été diagnostiquée, rares sont les personnes qui ont compris mes souffrances à part le Professeur D et mon mari. En guise de compassion, j’ai eu droit à de l’indifférence. Maintenant que j’ai subi cette intervention qui reste une mutilation… on me regarde avec pitié :  » la pauvre, une hystérectomie à 26 ans, autant dire que sa vie de couple et de femme est finie ». La vie d’une femme ne s’arrête pas après une hystérectomie… qu’importe son âge. Cette chirurgie m’a redonné ce que l’endométriose m’a enlevé : l’envie de vivre.
L’endométriose ce n’est pas que des règles douloureuses, l’endométriose peut engendrer des complications pouvant entraîner la mort… L’endométriose mérite d’être connue. »